Président fondateur de Solairedirect, premier opérateur français entièrement spécialisé en énergie solaire, Thierry Lepercq nous parle de cette filière en baisse et en crise d’identité. Malgré tout, il nous explique pourquoi le solaire reste une énergie d’avenir.

Energies Actu : Comment qualifier l’état du marché du solaire en France ?

Thierry Lepercq : Nous connaissons actuellement une période d’incertitude. La baisse de 20% du tarif de rachat de l’électricité solaire par EDF et la fin de certaines aides gouvernementales fin 2010, ont considérablement affaibli la filière. Depuis, de nombreuses entreprises ont disparu, et avec elles plusieurs milliers d’emplois. Nous subissons donc cette gouvernance brutale. Les prix très bas des panneaux photovoltaïques chinois, qui bénéficient d’importantes subventions publiques, ont également fragilisé de nombreuses entreprises et poussé le législateur à agir. Mais la réaction s’est fait sans concertation et pénalise tout un secteur. On nous dit que ces importations et la grande présence chinoise dans l’énergie solaire pourraient poser problème. Mais dans d’autres secteurs, quand tous les écrans plats qui équipent téléphones, tablettes, ordinateurs viennent également de Chine, j’ai l’impression que ça gène moins. 

EA : Alors est-ce encore rentable de faire de l’énergie solaire ?

T L : Oui bien sûr. L’énergie solaire a de nombreux atouts. Dans une société dominée par l’économie le principal c’est son prix. A 100 euros le MW/h elle est l’énergie la moins chère à produire, à l’exception du gaz de schiste aux Etats-Unis. Deux fois moins que l’éolien offshore.
Au delà des avantages environnementaux qu’offrent les panneaux photovoltaïques, c’est cet aspect économique que nous devons mettre en avant pour continuer notre développement, surtout qu’un dirigeant d’EDF a récemment estimé à 125 euros le MW/h produit avec le nucléaire.

EA : Comment faire évoluer la production d’énergie solaire ?

T L : Il nous faut savoir évoluer très vite et réaliser des installations de toutes tailles. En France, nous travaillons beaucoup avec les collectivités locales pour généraliser des circuits courts, ce que j’appelle le solaire décentralisé. Il s’agit de mettre en place de petites structures de panneaux photovoltaïques au niveau local, départemental ou régional. Cela permettrait de donner une meilleure conscience de l’énergie à la population et de favoriser les emplois locaux. C’est pour nous, une solution moderne et efficace qui en plus a une dimension démocratique que nous souhaitons mettre en avant. Evidemment cela dérange les grands énergéticiens français, qui restent eux dans une vision traditionnellement plus centralisée. Et comme historiquement, ces groupes sont toujours très influents dans la politique énergétique de notre pays, il n’est pas toujours facile pour nous de nous faire entendre.

EA : Justement, qu’attendez-vous du débat sur la transition énergétique voulu par le gouvernement ?

T L : Nous attendons surtout qu’il puisse faire ressortir des faits et qu’il permette de comparer les coûts de l’énergie. J’espère que cette notion d’énergie décentralisée pourra être discutée et mise en avant. Quel coût ? Quel impact sur le réseau ? Quel modèle industriel ? C’est à ces questions que le comité devra répondre.  Souvent prisonnier des lobbys, l’Etat a toujours manqué de vision stratégique et d’une vraie politique industrielle sur ces questions. Je regrette seulement qu’il n’ y est pas de vrai spécialiste du secteur solaire dans le conseil national du débat qui m’a l’air d’une usine à gaz un peu baroque.

EA : Quel message souhaitez vous porter dans ce débat ?

T L : Le message que je veux faire passer c’est : une transition oui, mais vers quoi ? J’ai l’impression que la tendance c’est de ne rien changer et persévérer avec les énergies fossiles et principalement le nucléaire.
Nous travaillons beaucoup avec des associations, des groupes de réflexions et les collectivités locales pour défendre nos projets et notre savoir-faire. Nous sommes compétitifs et nous menons des projets dans le monde entier. Dans l’histoire de l’énergie, le charbon a remplacé le bois car il était moins cher, puis il a été supplanté par le pétrole et le gaz pour les mêmes raisons. Aujourd’hui pour cette raison économique le solaire doit être l'énergie du futur. La transition énergétique ne peut se faire de moins cher à plus cher. Cela nécessite une profonde évolution sociétale que doivent accompagner avec nous les territoires et les collectivités.

Propos recueillis par Julien Auduc

Source : Energies Actu - 22 décembre 2012

En savoir plus :

- La filière photovoltaïque en crise

- www.solairedirect.fr


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