En 2019, 27 000 térawattheures (TWh) d’électricité ont été produits dans le monde, dont 26 % provenaient de sources renouvelables. Ces énergies propres pourraient assurer 55 % de la production mondiale d’ici à 2040, selon le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Ces deux sources (éolien et solaire) pourraient fournir plus d’électricité que l’hydraulique dès 2030, mais, en dépit du fort développement de l’éolien, notamment marin, c’est le solaire photovoltaïque qui représentera 60 % des capacités de production d’électricité renouvelable supplémentaires installées d’ici à 2024.

On le sait, notre Terre reçoit chaque année assez d’énergie solaire pour satisfaire plus de 8000 fois ses besoins en énergie. Mais l’énergie solaire est, par nature, diffuse et intermittente et la capter en grande quantité nécessite de grandes surfaces de cellules à base de silicium monocristallin, un matériau au coût de production élevé et au rendement énergétique limité. Toutefois, grâce à de constants progrès technologiques, depuis 40 ans, le coût moyen de l’énergie solaire a baissé de 12 % par an, et il pourrait encore diminuer de 60 % d’ici 2025, selon un rapport de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA). Quant à « l’amortissement carbone » engendré par la fabrication des panneaux, il est désormais remboursé en deux ans et demi.

Entre 2010 et 2019, la production mondiale d’électricité photovoltaïque est passée de 100 à 650 TWh et elle représente aujourd’hui 2,5 % de la production mondiale d’électricité. Selon le rapport Solar Generation, publié par Greenpeace et l'Association européenne de l'industrie photovoltaïque (AEIP), avec un taux de croissance de 15 % de 2020 à 2040, l'énergie solaire pourrait produire 9 000 TWh dans 20 ans, ce qui représenterait plus du quart de la production mondiale d’électricité prévue à l’horizon 2040.

Actuellement, le coût du kWh solaire, suivant le type d'installation et d'ensoleillement, peut varier de 7 à 20 centimes. En Allemagne, il est de 4,3 centimes d'euro en moyenne pour les grandes centrales. Ce coût du solaire photovoltaïque devrait tomber, en moyenne, à 4 centimes en 2030 et moins de 2 centimes le kWh vers 2040. Mais au rythme actuel d’augmentation du rapport coût-performances des cellules solaires, le coût réel moyen du solaire photovoltaïque pourrait devenir inférieur à celui de toutes les autres sources d’énergie, y compris le charbon, d’ici 2025.

Mais cette révolution solaire en cours va connaître une formidable accélération grâce à trois ruptures technologiques qui sortent enfin des laboratoires, les cellules à hétérojonction, les cellules à pérovskites, et les films organiques photovoltaïques (POV).

Il y a deux ans, une équipe de recherche internationale intégrant des chercheurs français des Universités de Lyon et Strasbourg avait découvert qu’en incorporant des atomes de fluor dans le polymère, il était possible d’augmenter considérablement l’efficacité des cellules solaires organiques, la portant de 4 à 10 %.

En août dernier, les chercheurs de l’Empa (Le Laboratoire fédéral suisse d'essai des matériaux et de recherche) ont atteint sur les cellules solaires flexibles un nouveau record d’efficacité, avec 20,8 %. Pour parvenir à une telle performance, les chercheurs ont conçu un « sandwich » composé de diséléniure de cuivre, d’indium et de gallium -CIGS- qui ouvre la voie à la fabrication de cellules solaires flexibles et légères sur films polymères.

Début avril, les chercheurs de l’Empa ont annoncé la mise au point de nouveaux procédés de fabrication pour ces cellules solaires afin de les produire non seulement plus rapidement mais aussi à moindre coût. Ces scientifiques, pour produire cette nouvelle cellule pérovskite, d’une surface de 10×10 cm, ont utilisé un technique de buse à fente qui permet de projeter le matériau sur une couche de verre, puis d’ôter l’excès de matériau avec un laser. « Avec le nouveau procédé de revêtement, nous pouvons non seulement revêtir plus rapidement, mais aussi déterminer l’épaisseur des différentes couches de manière plus flexible », explique M. Nüesch. Cette technologie prometteuse devrait permettre de produire facilement et bien plus rapidement des bandes de cellules à pérovskites.

A la différence du procédé de sérigraphie utilisé jusqu’à présent, dans lequel les couches doivent être séchées et frittées une par une, la technique de la buse à fente permet d’appliquer toutes les couches directement l’une après l’autre. Grâce à cette nouvelle technique, l’impression de ces cellules solaires est sept fois plus rapide qu’avec la méthode de sérigraphie actuelle, et la pérovskite n’a plus besoin d’être déposée sur le substrat, comme une couche solide, mais elle diffuse de manière contrôlée à travers toutes les couches de la cellule solaire.

Il y a quelques semaines, une équipe de rechercher associant le CEA et la firme Toyobo a annoncé qu’elle avait atteint le rendement de conversion de ces cellules photovoltaïques organiques -PVO d'environ 25 %- sous un éclairage au néon de 220 lux, soit l'équivalent d'une chambre noire, ce qui représente un gain de 60 %, par rapport aux cellules solaires en silicium amorphe couramment utilisées (Voir CEA).

Une autre avancée majeure a eu lieu il y a quelques jours, quand des chercheurs du National Renewable Energy Laboratory (NREL), situé à Golden dans le Colorado, ont annoncé qu’ils avaient réussi à développer une cellule solaire à six jonctions, chacune de ces jonctions étant conçue pour capter une partie spécifique du spectre lumineux. Grâce à cette percée technique, un taux de conversion d’énergie sans précédent a pu être atteint : 39 %, c’est-à-dire le double du rendement moyen des cellules solaires actuellement sur le marché. Selon ces scientifiques, cette nouvelle cellule à six jonctions, bien qu’elle soit prioritairement destinée à l’alimentation des satellites, est pleinement adaptée dans le cadre d’une production massive d’électricité à l’aide de centrales photovoltaïque à concentration. En outre, comme cette technique nécessite bien moins de matériaux semi-conducteurs par rapport à une cellule de silicium traditionnelle, ce nouveau type de cellule à très haut rendement devra pouvoir être produit, d’ici 5 ans, à un coût beaucoup moins élevé que leurs homologues en silicium.

De manière remarquable, la quantité de matière nécessaire par Watt crête (g/W) dans une cellule solaire a été divisée par quatre en une dizaine d’années, passant de 16 à 4 grammes. Mais l’arrivée des cellules à base de pérovskites, en remplacement du silicium, ouvre d’immenses perspectives d’utilisation généralisée, à faible coût, de l’énergie solaire. Ce nouveau type de cellule permet en effet d’imprimer des cellules, à l’aide d’une simple imprimante semblable à une imprimante à jet d’encre, et de produire des « films » photovoltaïques, minces, légers et souples qui vont pouvoir s’imposer partout : sur les façades des bâtiments, dans nos fenêtres, dans nos champs (agrovoltaïque), dans nos chaussées, sur les carrosseries des voitures, et sur nos vêtements, transformant nos habitations, nos routes et nos objets quotidiens en autant de sources productrices d’énergie gratuite et inépuisable.

Début avril, une équipe de chercheurs de l’Université de Cambridge (Royaume-Uni) et du Centre Helmholtz de Berlin des matériaux et de l'énergie (Allemagne) a mis au point une cellule photovoltaïque destinée à l’Espace, résistante aux radiations, qui associe une couche de matériau pérovskite et une couche mince à base de cuivre, indium, gallium et sélénium (CIGS). Cette cellule « tandem » est constituée de deux couches - pérovskite et CIGS - qui permettent d’exploiter une plus large partie du spectre lumineux : la première couche est sensible au spectre de la lumière visible, la seconde au spectre infrarouge.

Une autre équipe allemande, du Helmholtz-Zentrum Berlin (HZB) a annoncé, il y a quelques jours, qu'elle avait atteint une efficacité de 24,16 % avec une cellule tandem combinant CIGS (cuivre, indium, gallium et sélénium) et technologie de pérovskite (Voir pv magazine). Selon les chercheurs, cette prouesse a été atteinte en utilisant des molécules dites monocouches auto-assemblées (SAM), pour former une couche monomoléculaire auto-organisée, de façon à améliorer le contact entre la pérovskite et le CIGS. Par cette approche, les scientifiques allemands précisent que « La couche ultra-mince obtenue ne présente aucune perte optique et, grâce à sa propriété d'auto-organisation, pourrait couvrir n'importe quelle surface - y compris le silicium dans les architectures de cellules solaires en tandem ».

Début mars, une autre équipe, associant des chercheurs de l'Université de Toronto (Canada) et de l'Université des sciences et technologies du Roi Abdallah (Kaust, Arabie saoudite) a réalisé une autre remarquable avancée technique : les chercheurs sont parvenus à augmenter l'épaisseur de la couche de pérovskite, déposable directement sur une cellule solaire en silicium. Les cellules ainsi obtenues se sont avérées stables et résistantes à des températures allant jusqu'à 85°C pendant plus de 400 heures. Mais surtout, elles atteignent une efficacité énergétique excellente de 25,7 %, supérieure à celle de cellules au silicium actuelles, qui plafonne à 18 %.

Notons également que, fin 2019, des chercheurs de l’Université de Rice ont levé un autre verrou majeur à l’utilisation des pérovskites pour des cellules photovoltaïques. Ils ont fabriqué des cellules à base de pérovskite inorganique, composée de césium, de plomb et d'iode. En ajoutant du brome et de l’indium, ces chercheurs ont réussi à diminuer les défauts dans ce matériau et à porter à 12 % le rendement des cellules. Ces scientifiques pensent qu’il est possible, avec ce nouveau matériau, d’atteindre un rendement de plus de 20 %, ce qui rendrait ce nouveau type de cellule solaire très compétitif, car on pourrait les produire à un stade industriel à partir d’un matériau en solution qui serait simplement appliqué sur un substrat, puis séché pour obtenir une cellule.

Mais, comme souvent en science, les avancées peuvent également survenir d’idées pour le moins originales, voire saugrenues. Il y a un an, en avril 2019, des chercheurs de 4 universités (deux de Chine, une des U.S.A et une de Singapour) ont remarqué qu’en ajoutant de la caféine aux cellules pérovskites, il était possible d’augmenter sensiblement leurs performances ! L’ajout d’un alcaloïde tel que la caféine permet de ralentir la formation des cristaux de pérovskite, ce qui rend ce matériau plus stable et augmente son rendement énergétique. Résultat : au lieu de ne conserver que 40 % de son rendement énergétique après 175 heures de fonctionnement sous la température destructrice de 85°C, les cellules enrichies en caféine conservent 86 % de leur rendement après 1300 heures d’exposition dans les mêmes conditions...

Il faut enfin dire un mot de la bâche solaire automobile rétractable conçue par la firme française Armor. Cette bâche intègre des éléments du film photovoltaïque organique Asca qui, relié à la batterie d'une véhicule électrique, peut prolonger son autonomie jusqu’à 8 000 kilomètres par an, avec un objectif de 11 000 kilomètres par an d’ici à 2023. Le film photovoltaïque organique Asca développé par Armor est constitué de polymères organiques semi-conducteurs et se compose de fines couches d’encre, déposée sur un film mince et souple. Celui-ci peut s’enrouler sans perdre ses propriétés au moins 50 000 fois et ne pèse qu’environ 450 g/m2, soit trente fois moins que les autres technologies photovoltaïques du marché. Le film solaire peut également être appliqué directement sur la carrosserie ou intégré dans le toit panoramique ou les vitres.

On comprend mieux le potentiel d’une telle innovation quand on sait qu’Apple vient d’annoncer un nouveau concept de voiture solaire – Apple solar Car – qui envisage d’intégrer dans la carrosserie et les vitres de ses voitures des films solaires haute performance ultra-mince (moins de 10 microns) qui permettront d’améliorer l’autonomie énergétique du véhicule. Apple veut aussi étendre cette technologie à ses appareils numériques, pour les rendre plus autonomes (Voir apple insider).

Chacun sent bien que, lorsque nous serons sortis de cette pandémie mondiale de coronavirus, nous devrons tout remettre à plat, notre système de santé bien sûr, mais également notre modèle économique de développement – dont on voit l’extraordinaire vulnérabilité – notre conception de l’urbanisme et des transports, nos modes de représentation et d’expression démocratiques, et notre approche de la question énergétique, intimement liée à notre rapport à la Nature et au défi climatique, que ne doit pas nous faire oublier le Covid-19.

Dans cette perspective qui doit nous conduire à réaliser beaucoup plus vite que prévu la grande transition énergétique rompant définitivement avec les énergies fossiles, polluantes et carbonées, j’ai la conviction, comme le montrent de nombreuses études très sérieuses, à commencer par celle réalisée en 2017 par l’Université de Stanford (Voir Stanford) que nous devons mettre en œuvre dès maintenant, avec le plus grand volontarisme politique, la mutation énergétique mondiale qui nous permettra de couvrir, d’ici 2050, l’essentiel de nos besoins en énergie, grâce à l’énergie solaire sous ses différentes formes (y compris spatiale), complétée par l’éolien marin et le vecteur hydrogène pour assurer la flexibilité et la diversité de nos échanges énergétiques.

Ce défi est immense, mais il est à notre portée et doit être notre horizon pour le milieu de ce siècle, si nous voulons à la fois maîtriser le réchauffement climatique qui nous menace, réduire drastiquement le nombre insupportable de décès liés à la pollution de l’air (9 millions par an selon une récente étude du Journal européen de la Santé), et jeter les bases d’un nouveau développement économique, social et humain équitable durable et porteur d’espoir pour tous les habitants de notre planète .


Source :

ART Flash
Redacteur: René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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