Les technologies d'exploitation de l'énergie éolienne se sont nettement améliorées depuis les 4 dernières décennies. Entre 2005 et 2011, la capacité éolienne totale installée mondialement a augmenté de 75%. Aux Etats-Unis, deux récents rapports publiés par le Département de l'Energie présentent le bilan du marché de l'éolien américain sur l'année 2012 [1, 2], et témoignent de son évolution rapide. Par ailleurs, plusieurs études récentes montrent que de multiples progrès sont en cours, notamment grâce au développement des fermes de turbines éoliennes d'un type encore peu utilisé : les "éoliennes à axe vertical".

Nous nous proposons ici de présenter quelques progrès récents et d'esquisser les tendances à venir dans ce secteurs très en vogue aux Etats-Unis.

Situation actuelle aux Etats-Unis

Les deux rapports publiés par le Département de l'Energie reportent qu'en 2012, l'énergie éolienne aux Etats-Unis représentait la source principale d'énergie alternative pour la production d'électricité avec 43% des additions d'électricité nouvelles issues de sources alternatives [1, 2]. A l'échelle mondiale, le pays se place en 4e position en terme d'augmentation des capacités éoliennes sur la période 2005-2011, avec en tête la Chine (augmentation de 98% de sa capacité éolienne), puis la France (88%), le Canada (87%) et enfin les Etats-Unis (80%). Sur les 3 dernières décades, la taille des turbines éoliennes a augmenté d'un facteur de 10 à 12, tandis que la capacité de production d'une turbine isolée est passée de 100 kW à 2 MW. Dans un futur proche, les scientifiques estiment pouvoir accroître cette capacité jusqu'à 10-12 MW par turbine [3].

Actuellement, les éoliennes utilisées pour la production d'électricité sont majoritairement du type dit "éoliennes à axe horizontal". Ces dernières sont constituées d'un rotor monté en haut d'un mât, perpendiculairement à la direction du vent grâce à une nacelle ; l'axe de rotation est donc horizontal. Le rotor comprend en général trois pales, qui sont entrainées par le vent, convertissant ainsi l'énergie cinétique du vent en une énergie mécanique elle-même convertie en énergie électrique. L'inclinaison des pales est adaptable en fonction de la vitesse du vent, afin de contrôler la vitesse de rotation de l'hélice et d'éviter un excès de vitesse qui poserait des problèmes de sécurité. Le second type prédominent d'éoliennes, dit "éoliennes à axe vertical" consiste en un rotor monté verticalement en haut du mât, et dont l'axe de rotation est vertical. Cette architecture est encore peu utilisée mais connait récemment un regain d'intérêt.

L'intérêt des turbines éoliennes à axe vertical

Les turbines éoliennes à axe vertical sont beaucoup plus rarement utilisées que les turbines à axe horizontal. En effet, des études menées dans les années 1980 avaient conclu que ces dernières étaient beaucoup moins adaptables à la production à grande échelle d'énergie, si bien que leur développement a été beaucoup plus lent. Or, les turbines à axe vertical sont aérodynamiquement plus performantes. Ainsi, cette technologie a été récemment reconsidérée et maintenant certains chercheurs affirment que ces turbines sont mieux adaptées que les turbines traditionnelles pour la production d'électricité à grande échelle.

Un des points forts de ces turbines découle du fait qu'elles ne requièrent pas d'orientation particulière du rotor par rapport au vent contrairement aux turbines éoliennes à axe horizontal. Ainsi, le rotor ne nécessite pas de système de pilotage. De plus, la vitesse du vent n'étant pas régulière et sa direction rarement uniforme, un tel système omnidirectionnel est largement favorable. L'ensemble des composants principaux sont placés en bas du mât, ce qui permet un accès plus facile que dans le cas des turbines à axe horizontal.

De plus, des études R&D ont récemment montré que la capacité des champs d'éoliennes à axe vertical à mieux tirer profit d'un terrain donné notamment grâce à l'utilisation du concept de "banc de poissons".

Le concept du "banc de poissons"

Le concept de "banc de poissons" considère un groupement de "poissons" de forme, de taille identique et nageant côte à côte dans la même direction. De cette façon, les poissons minimisent leur effort pour se déplacer, en tirant parti de l'interaction de leurs propres sillages tourbillonnaires. En effet, chaque poisson qui se déplace génère dans son propre sillage des tourbillons, dont certains tournent dans le sens des aiguilles d'une montre et d'autres dans le sens inverse. Ce sillage exerce une force de propulsion sur le poisson. Lorsque plusieurs poissons nagent côte à côte dans la même direction, les tourbillons des sillages des uns et des autres interfèrent de façon constructive, ce qui engendre une force de propulsion plus importante pour chaque poisson du banc.

Ce phénomène est transposable aux turbines éoliennes à axe vertical. En effet, les axes de rotation de chacune des turbines sont dans la même direction, et chaque éolienne crée un sillage de tourbillons. Ainsi, si l'arrangement des éoliennes est optimisé, il est possible de tirer profit de l'interaction des sillages de ces éoliennes, et ainsi d'augmenter considérablement la productivité de la ferme [4]. En prenant cette perspective en compte, une ferme d'éoliennes à axe vertical pourrait ainsi produire jusqu'à 10 fois plus d'énergie que la même ferme constituée d'éoliennes à axe horizontaux.

Quelques méthodes d'amélioration des performances des éoliennes et parcs d'éoliennes

Ajout de structures

Afin d'améliorer la production énergétique des éoliennes, une méthode classique consiste à ajouter des structures supplémentaires aux éléments de base : mât, pales et nacelle. La puissance de sortie d'une turbine étant proportionnelle au cube de la vitesse du vent, le but de ces structures est d'augmenter localement la vitesse du vent. Dans le cas des turbines éoliennes à axe horizontal par exemple, l'ajout d'un "diffuseur à bride" permet de diminuer la pression au niveau de la bride externe. Cette dépression accélère le vent environnant, si bien que la vitesse du vent à l'entrée du diffuseur est augmentée. En conséquence, la puissance de sortie de l'éolienne est multipliée par 4 ou 5. Dans le cas des éoliennes à axe vertical, c'est par exemple l'installation de vannes directives autour de la turbine qui aident à diriger le vent entrant, et permet l'augmentation de la puissance de sortie.

Récemment, une équipe de l'Institut de Technologie de Californie (CIT) s'est intéressée à l'ajout d'un déflecteur en amont d'une éolienne à axe vertical [5]. Cette approche est particulièrement simple, et permet une forte augmentation de la puissance de sortie de la turbine. La présence du déflecteur sert de bouclier contre les courants créés par les pales qui reviennent et qui exercent un couple négatif, tout en dirigeant le vent entrant vers les pales qui arrivent, augmentant ici le couple positif. L'étude présentée par le CIT démontre expérimentalement la méthode optimale pour tirer profit de l'ajout du déflecteur. Ainsi l'axe de la turbine doit être placé en dehors du sillage proche du déflecteur. Par ailleurs, la hauteur du déflecteur influe significativement sur la puissance de sortie. Ainsi, un déflecteur de même hauteur que la turbine donne des résultats bien moins bons que dans le cas d'un déflecteur de hauteur largement supérieure. Cependant cette étude expérimentale ne concerne qu'un type simplifié de turbine à axe vertical. L'équipe compte donc poursuivre son étude en vérifiant si ces concepts sont applicables à d'autres types de turbine. Par ailleurs, la présence du déflecteur augmente les instabilités localement de l'écoulement, un effet uniquement lié aux conditions expérimentales d'environnement confiné. Les chercheurs s'intéressent donc maintenant à l'étude des champs de vitesse de l'écoulement autour du déflecteur et de la turbine, ainsi qu'à l'effet de la présence du déflecteur en amont sur la charge aérodynamique de la pale en aval.

Revêtements nanostructurés

L'ajout de revêtement sur les pales des éoliennes afin de les protéger contre les intempéries et donc contre l'usure, peut nettement augmenter leur performance. En particulier, l'utilisation de revêtements nanostructurés permet d'obtenir des propriétés hydrophobiques, "anti-glace" et "anti-gel" très intéressantes. C'est le cas d'une étude menée par l'Université Harvard à Cambridge, Massachusetts [6]. Le matériau qu'ils ont réalisé est hautement répulsif au gel. Il est basé sur des surfaces poreuses rendues glissantes grâce à l'infusion de liquide dans les pores. Les chercheurs sont partis d'une surface nanostructurée, qu'ils ont fonctionnalisée chimiquement, de façon à ce qu'elle présente une affinité élevée pour le liquide qui sera infiltré dans ses pores. Ce liquide est non miscible à l'eau, et reste infiltré dans les pores du matériau grâce à sa haute affinité. Il constitue ainsi une couche supérieure lubrifiante, ultra-lisse et stable. L'étude montre que le matériau obtenu, non seulement empêche l'accumulation de glace et de givre en éliminant efficacement la condensation d'humidité, mais par ailleurs présente une adhésion au gel d'au moins un ordre de grandeur plus faible que pour les matériaux standards utilisés habituellement pour les pales.

Optimisation des interactions : le projet SWiFT

En juillet 2013, le Département de l'Energie des Etats-Unis, les Laboratoires Nationaux Sandia et l'Université Texas Tech ont accrédité le parc éolien "Sandia Scaled Wind Farm Technology" (SWiFT), au Centre de Technologie Reese à Lubbock, Texas [7]. Il s'agit de la première installation publique de ce type : un site pouvant comprendre jusqu'à 10 éoliennes, et entièrement dédié à l'étude des interactions complexes entre les éoliennes au sein du parc. Les éoliennes seront donc construites spécifiquement dans ce but, et les résultats devraient permettre d'améliorer la performance des fermes éoliennes. En effet, il est estimé que 10 à 40% de la production d'énergie des fermes éoliennes est perdue via des mécanismes complexes d'interaction entre les sillages des différentes turbines de la ferme.

L'installation SWiFT hébergera à la fois des recherches de type publiques et privées, dans le cadre de la collaboration entre les instituts nationaux éolien de Sandia, Vestas et Texas Tech et de l'entreprise NIRE, entreprise de développement des énergies renouvelables. Les deux premiers projets de recherche pour l'année à venir consisteront à tester et évaluer le nouveau projet national de rotor de Sandia : "National Rotor Testbed Project" d'une part, et à récolter des données de référence sur les interactions turbine-turbine d'autre part. Ces données pourront être utilisées par la communauté internationale pour améliorer les performances des fermes éoliennes. De même, le projet de rotor de Sandia servira à proposer une architecture de rotor. Les données seront accessibles gratuitement sur un modèle "open-source" afin de permettre aux acteurs du secteur de collaborer plus facilement et ainsi d'accélérer les transferts technologiques vers les marchés.

Exemple originaux de systèmes éoliens produisant de l'électricité à faible échelle :

Les nanogénérateurs et capteurs basés sur l'effet triboélectrique

Des chercheurs de l'Université Georgia Tech, et de l'Institut de Nano-énergie et des Nano-systèmes de Beijing, ont récemment présenté un dispositif basé sur l'effet triboélectrique, et qui utilise l'énergie éolienne pour fonctionner [8]. La triboélectricité est un phénomène électrostatique selon lequel la mise en contact de deux matériaux de nature différente induit un transfert des électrons de la surface de l'un des matériaux vers l'autre, avec maintien de ce transfert lors de la séparation des deux matériaux. L'effet peut par ailleurs être augmenté par apport d'énergie mécanique, en frottant les deux matériaux l'un contre l'autre. Ici, les chercheurs ont donc mis à profit cet effet, en utilisant l'énergie éolienne comme déclencheur.

Le dispositif consiste en un film de propylène- éthylène fluoré placé entre deux feuilles d'aluminium, lesquelles sont connectées à la masse via un circuit de charge extérieur. Les vibrations induites par le vent sur le film entrainent un transfert d'électrons entre les deux électrodes d'aluminium et la masse. La puissance électrique de sortie ainsi créée est suffisante pour allumer jusqu'à 10 diodes électroluminescentes commerciales par exemple. En ajoutant une autre double-électrode triboélectrique, la puissance électrique déclenchée par le simple souffle humain sur le système, a permis d'allumer un panneau signalétique de sortie "exit".

Basé sur cette même architecture, les chercheurs ont aussi proposé de réaliser un capteur auto-alimenté pour la mesure de la vitesse du vent et de sa direction. La vitesse ainsi mesurée a une précision de l'ordre de 0.09 μA / (m/s). La direction du vent est déterminée par l'analyse en temps réel du voltage de sortie.

Turbine éolienne portable

Une étude menée par le Laboratoire "Bio-inspired Materials and Devices" à l'Université Virginia Tech, a étudié théoriquement et expérimentalement une turbine éolienne portable de diamètre 40cm, dans un tunnel basse vitesse [9]. Les résultats ont montré qu'une telle turbine était capable de produire une puissance de sortie atteignant 2.2 Watts, pour une vitesse du vent de 5.5m/s. Si l'on compare ces résultats avec la littérature, cette turbine est l'une des plus performantes parmi les turbines de petite taille (diamètre inférieur à 50 cm), et dans des conditions de basses vitesses de vent (vitesse inférieure à 5 m/s).En effet, jusqu'ici les turbines éoliennes de petites dimensions nécessitaient des vitesses importantes du vent pour leur fonctionnement, au-delà de 10 m/s, ce qui empêchait leur utilisation proche du sol. Les applications de la turbine développée par l'équipe de Virginia Tech sont nombreuses et variées tant dans les pays en développement que dans les pays développés. Une application directe envisageable serait par exemple l'alimentation des réseaux de capteurs sans fils pour les autoroutes et ponts. En effet, le coût de câblage ou de remplacement des batteries n'est pas viable sur le long terme.
    
            
Pour en savoir plus, contacts :
    

- [1] Rapport "2012 Wind Technologies Market Report" du Département de l'Energie américain et du Laboratoire National Lawrence Berkeley, août 2013 (téléchargeable en ligne) - http://energy.gov/wind-report
- [2] Rapport "2012 Market Report on Wind Technologies in Distributed Applications" du Département de l'Energie américain et du Laboratoire National Pacific Northwestern, août 2013 (téléchargeable en ligne) - http://apps1.eere.energy.gov/wind/newsletter/detail.cfm/articleId=158
- [3] Article "Progress and recent trends of wind energy technology", M.R. Islam et al., Renewable and Sustainable Energy Reviews, Janvier 2013 -http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1364032113000312
- [4] Article disponible en ligne: "Innovative concepts : fish schooling as a basis for vertical axis wind turbine farm design", JO. Dabiri et al, 2010 - http://redirectix.bulletins-electroniques.com/PCE7q
- [5] Article "Efficiency improvement of straight-bladed vertical-axis wind turbines with an upstream deflector"; D. Kim and M. Gharib, Journal of Wind Engineering and Industrial Aerodynamics, Avril 2013 : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0167610513000354
- [6] Article disponible en ligne: "Liquid-Infused Nanostructured Surfaces with Extreme Anti-Ice and Anti-Frost Performance", P. Kim et al, ACS Nano, juin 2012 -http://redirectix.bulletins-electroniques.com/rIEOJ
- [7] Pages de presentation du projet "Scaled Wind Farm Technology" (SWiFT) :
http://energy.sandia.gov/?page_id=7942
http://energy.sandia.gov/?tag=swift
- [8] Article "Triboelectric Nanogenerator for Harvesting Wind Energy and as Self-Powered Wind Vector Sensor System", Y. Yang et al., ACS Nano, Septembre 2013 -http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/nn4043157
- [9] Article "Design and experimental verification of a high efficiency small wind energy portable turbine (SWEPT)", R. A. Kishore and A. Priya, Journal of Wind Engineering and Industrial Aerodynamics, Juillet 2013 - http://redirectix.bulletins-electroniques.com/ksPjZ
    

Source :
ADIT : http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/74032.htm

    

Rédacteurs :
    
- Catherine Marais, Attachée scientifique adjointe, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ;
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