Des chercheurs de la "Rice University" au Texas ont récemment dévoilé une nouvelle technologie révolutionnaire qui utilise l'énergie solaire bien plus efficacement que les actuels panneaux solaires photovoltaïques. Cette découverte, réalisée au sein du "Laboratory for Nanophotonics" [1], a récemment été publiée dans le journal ACS Nano [2].

Le principe de cette nouvelle technologie repose sur l'utilisation de nanoparticules de métal ou carbone dispersées dans un liquide, qui absorbent l'énergie solaire et la convertissent directement en vapeur avec une rentabilité remarquable de 24%. A titre de comparaison, les panneaux solaires photovoltaïques courants ont une rentabilité énergétique moyenne de l'ordre de 15%.

La méthode promet beaucoup de progrès dans le secteur de l'industrie, la vapeur constituant le fluide industriel le plus utilisé au monde. Environ 90% de la production d'électricité repose sur l'utilisation de vapeur pour faire tourner les turbines des centrales. Par ailleurs, la stérilisation des instruments chirurgicaux et des déchets médicaux, ainsi que la préparation de la nourriture et la purification de l'eau sont aussi des processus qui nécessitent l'utilisation de vapeur.

Le secret de la performance : une ébullition locale

La performance de cette nouvelle technologie provient de ce que le liquide dans lequel baignent les nanoparticules n'a pas besoin d'être chauffé en volume pour atteindre sa température d'ébullition et s'évaporer. En effet, la formation de vapeur se produit localement, au niveau de chaque nanoparticule qui a absorbé "intensément" la lumière solaire. L'absorption des radiations optiques est intense lorsque les plasmons de surface de ces nanoparticules (i.e. les oscillations collectives des électrons délocalisés de leur bande de conduction) sont excités en résonnance par le rayonnement lumineux. La partie de l'énergie absorbée qui n'est pas réémise par dispersion lumineuse est alors dissipée sous forme de chaleur. A cause de leur petite taille, les nanoparticules n'ont qu'une surface très réduite pour dissiper cette chaleur, d'où une augmentation de température intense ultra-rapide (bien au-delà de 100°C dans des géométries compactes d'illumination) qui entraîne la formation d'une couche de vapeur tout autour de la particule. Ces nanoparticules servent ainsi de sites pour la nucléation de l'ébullition du fluide.

La couche de vapeur qui enrobe la particule a une conductance thermique plus faible que celle du fluide environnant. Plus le temps d'exposition à la lumière du milieu liquide/nanoparticules est prolongé, plus le volume de la couche de vapeur augmente, provoquant éventuellement la coalescence avec d'autres "nanobulles" de vapeur ainsi qu'une mise en mouvement de ces dernières vers l'interface liquide-air. A l'interface, la vapeur est relâchée dans l'air. Les nanoparticules libérées de leur couche de vapeur retournent alors dans le volume de liquide où le phénomène de vaporisation peut se répéter. Lors de la migration des nanoparticules vers l'interface liquide/air, une faible partie de la chaleur est cédée au volume de fluide, si bien que pour une longue période d'exposition lumineuse, la température du volume de fluide augmente graduellement jusqu'à atteindre éventuellement sa température d'ébullition. Cependant, parce que le volume de fluide n'a pas besoin d'être directement chauffé, ce processus est intrinsèquement plus efficace que toute autre méthode de production de vapeur basée sur le chauffage d'un volume macroscopique de fluide, comme tel est le cas pour les sources thermiques traditionnelles.

Une étudiante diplômée de la "Rice University", Oara Neumann, a réalisé une expérience pour démontrer à quel point ce chauffage local est contre-intuitif. Pour cela, elle immerge dans un bain de glace un tube contenant le mélange eau-nanoparticules, et focalise la lumière du soleil sur ce dernier à l'aide d'une lentille. Elle obtient ainsi la formation de vapeur dans le bain glacé ! [3]

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Crédits : Jeff Fitlow/Rice University
Montage expérimental permettant de produire de la vapeur à partir d'un milieu d'eau glacée, grâce à la nouvelle technologie solaire développée à la "Rice University"

Les applications

Les inventeurs de la "vapeur solaire" précisent qu'ils ne prévoient pas d'utiliser leur technologie pour la production d'électricité dans le futur proche. Les premières applications qu'ils envisagent seront destinées à l'assainissement et la purification de l'eau dans les pays en voie de développement. Cette démarche est particulièrement intéressante car elle amène une perception nouvelle pour les applications de l'énergie solaire thermique. Alors que l'industrie développe en priorité des installations solaires à grande échelle dans le but d'augmenter la production d'électricité, l'excellente rentabilité de cette nouvelle technologie permet de développer aussi des sources d'énergies solaires compactes, pour une utilisation directe dans une gamme d'applications diverses et variées.

Les étudiants en ingénierie de la "Rice University" ont ainsi déjà créé un autoclave capable de stériliser des instruments dentaires et médicaux pour les cliniques des pays en voie de développement qui manquent d'électricité. Par ailleurs, la directrice du laboratoire LANP, Naomi Halas, a gagné une subvention pour la création d'un système de petite dimension capable de traiter les déchets produits par l'homme dans les zones dépourvues de réseaux d'égouts ou d'électricité. Une autre application potentielle concernerait l'alimentation des systèmes de chauffage et de climatisation qui fonctionneraient à la lumière solaire pendant la journée et à l'électricité pendant la nuit.

Par ailleurs, l'équipe de chercheurs a aussi réalisé des expériences de distillation qui montrent que la production de vapeur solaire est jusqu'à 2.5 fois plus rentable qu'au moyen de colonnes de distillation classiques.



Pour en savoir plus, contacts :

Source :
  • Veille technologique internationale - ADIT
  • [2] Article du journal ACS Nano : "Solar Vapor Generation Enabled by Nanoparticles", O. Neumann et al., disponible sur le lien suivant : dx.doi.org

Rédacteurs :
- Catherine Marais, Attaché scientifique adjoint, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ;
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