Il ny a rien dindécent, à partir de la situation au Japon, à sinterroger sur nos propres choix énergétiques. De deux choses lune :
- Soit les ingénieurs responsables du nucléaire français sont tellement au-dessus du niveau de leurs collègues des autres pays que nous sommes définitivement à labri dun accident nucléaire majeur. Si cest le cas, on entendra les défenseurs du nucléaire français dénoncer lirresponsabilité de lexploitant japonais pour affirmer quun tel accident est impossible dans notre pays. Dans cette hypothèse, il ny a effectivement rien à discuter et aucun débat nest possible.
- Soit le nucléaire français na rien dexceptionnel, une catastrophe nucléaire est possible pour des raisons que nous ne connaissons sans doute pas, pour une faiblesse que nous navons pas identifiée ou une série de causes et deffets que nous navons pas imaginés. Peut-on prévoir les conséquences dun accident comme celui de Fukushima sur lune des centrales nucléaires françaises. Elle pourrait se produire dans lun des réacteurs situés le long du Rhône, en été, quand le débit du fleuve est très faible et le refroidissement très difficile à assurer ? Comment notre pays ne serait-il pas ruiné après un tel accident, du point de vue de la santé publique, des dégâts à lenvironnement, des impacts économiques sur le tourisme et lagriculture ?
Si un accident nucléaire tel que celui de Tchernobyl ou Fukushima est possible en France, il faut alors se demander si le nucléaire est aujourdhui, dans le contexte que nous connaissons, le bon choix énergétique pour le siècle qui commence. Ne faut-il pas sérieusement, de façon responsable, envisager de sortir du nucléaire, progressivement sans doute, mais inexorablement ?
Le nucléaire nest pas bon pour la démocratie : on constate au Japon aujourdhui le même comportement opaque des autorités japonaises pour gérer la catastrophe et informer les citoyens que celui que nous avons connu en France à la suite de la catastrophe de Tchernobyl. Les autorités en charge de la sûreté nucléaire minimisent les conséquences, emploient un jargon que personne ne comprend et utilisent le fait que les radiations sont indétectables par le corps humain pour en amoindrir les effets.
Mais les atteintes à la démocratie et les risques daccidents ne sont pas les seuls motifs justifiant la sortie du nucléaire : après 30 ans de discours sur le recyclage, le retraitement, la décontamination on ne sait toujours pas comment se débarrasser des déchets engendrés par cette industrie et on nenvisage pas dautre « traitement » que leur enfouissement pour des millions dannées dans des sites que nous cherchons encore. Les responsables du nucléaire passent sous silence le fait que le nucléaire, même sil émet moins de CO2 que le pétrole ou le gaz, nest pas une énergie renouvelable : lindépendance énergétique de la France nest pas liée au nucléaire, les mines duranium exploitables sur le territoire français sont épuisées et nous dépendons du Niger et dautres pays pour notre approvisionnement en uranium.
Enfin, et plus fondamentalement, le nucléaire est une vieille énergie héritée du XIXe siècle. Cette énergie repose la destruction des noyaux datomes dans des réacteurs. Une centrale nucléaire fonctionne sur le principe dune chaudière à charbon dont le combustible est luranium. Il faut disposer dénormes quantités deau pour refroidir ce cur nucléaire, doù limplantation des centrales le long dun grand fleuve ou en bord de mer (il est aberrant de construire une centrale nucléaire dans le désert). Cette technologie directement issue de la machine à vapeur est totalement dépassée depuis quau XXe siècle on a découvert le silicium et lélectricité photovoltaïque. Le photovoltaïque fait appel à la mécanique quantique et aux mécanismes subtils qui mettent en jeu les interactions entre la surface de la matière et la lumière. Même si le solaire peut produire des quantités dénergie correspondant aux besoins de lhumanité entière, aucun accident de type Fukushima ou Tchernobyl nest à craindre avec cette technologie qui ne touche pas au cur des atomes.
Bien sûr, sortir du nucléaire oblige à penser à dautres scénarios énergétiques. Certains y travaillent, comme lassociation Négawatt. Par quoi remplacer le nucléaire et les énergies fossiles ? Derrière cette question se cache la peur de manquer dénergie.
Un article paru dans le Monde Magazine le 26 mars 2011 propose une alternative : Le soleil fournira 100% de nos besoins énergétiques dans vingt ans.
Cette affirmation némane pas dun farfelu mais dun inventeur, entrepreneur et théoricien américain, Ray Kurzweil. Dans lentretien quil a accordé au journaliste Frédéric Joignot, ce futurologue réputé pour la fiabilité de ses prévisions dit les choses suivantes :
« Si vous achetez un I-phone aujourd'hui, il sera beaucoup plus élaboré que celui acheté deux ans auparavant, et coûtera 2 fois moins Or, nous assistons au même processus d'accélération avec l'énergie solaire. Elle se multiplie par 2 tous les 2 ans, et cela depuis 20 ans. ( ) Pour l'instant, l'énergie solaire a encore besoin de subventions gouvernementales, ou de régimes spéciaux, et la plupart des états les encouragent. Mais nous sommes à quelques années de la parité avec les autres sources d'énergie. Bientôt, beaucoup d'entrepreneurs s'y rallieront, même plus par souci de l'environnement, mais parce que cette énergie sera moins chère ( ) D'ici 15 ans, nous aurons une multiplication par 8 chaque année. Voilà pourquoi je pense que d'ici 20 ans, nous pourrons alors satisfaire 100% de nos besoins en énergie grâce au solaire. L'énergie du soleil nous est donnée gratuitement, elle est plus propre que toutes les autres, nous savons comment la convertir, rien n'arrêtera ce processus.
Plus loin, dans le même article, il ajoute :
La production d'énergie nucléaire apparaît aujourd'hui comme une vieille technique industrielle ultra-centralisée, obsolète, et surtout très dangereuse. Si elle ne pollue pas à la façon des énergies fossiles, en émettant du CO2, elle présente le risque permanent de tourner au désastre comme hier à Three Miles Island, et aujourd'hui au Japon. Je déconseille à quiconque d'investir dans les nouvelles implantations nucléaires, qui, en plus d'être à haut risque, prennent beaucoup de temps à mettre en place. L'arrivée de l'énergie solaire va être beaucoup plus rapide, elle peut être mise en uvre de façon décentralisée, propre, efficace, sans danger, renouvelable. Nous entrons dans une période d'intérim, où nous allons encore dépendre du pétrole, du charbon et du nucléaire, mais l'arrivée des énergies renouvelables, et d'abord du solaire, jusqu'à couvrir 100% des nos besoins ne prendra pas plus de 20 ans.
Ray Kurzweil aura-t-il une fois de plus raison dans ses prévisions ? On le souhaite. Quand les Etats-Unis déploieront leur puissance industrielle pour développer massivement lénergie solaire, ils pourront sans doute assurer une part importante de leur indépendance énergétique grâce au photovoltaïque. Ils ont un territoire immense et de grandes zones très ensoleillées et désertiques dans les états du sud. Pour la France et lEurope, il faudra sans doute mêler le solaire, léolien, lhydraulique et la biomasse pour se passer des énergies fossiles.
Depuis ces derniers mois, une nouvelle voie souvre à lénergie solaire : lémergence de démocraties au sud de la méditerranée offre une occasion de bâtir des coopérations techniques et industrielles entre lEurope et le Maghreb. Le soleil très abondant au sud de la méditerranée pourrait contribuer à alimenter lEurope en énergie propre et renouvelable. Le projet industriel DESERTEC (voir articles publiés sur ce site) pourrait servir de support à cette coopération. Acheter de lénergie solaire aux pays ensoleillés du sud nest pas une nouvelle forme de colonialisme car la ressource qui servirait de monnaie déchange, le rayonnement solaire, est inépuisable et son « exploitation » se ferait avec un minimum de contreparties négatives pour lenvironnement, sinon une consommation despace pour limplantation des centrales photovoltaïques. Dans une perspective sur vingt ans, le projet Desertec et dautres projets similaires pourraient permettre de bénéficier dune énergie propre, sûre et garantie sur le long terme. Il ne faut donc pas avoir peur de sortir du nucléaire, des alternatives existent et le recours massif à lénergie solaire est lune des perspectives les plus stimulantes pour construire un nouveau monde libéré des catastrophes nucléaires à répétition.
En savoir plus
decrypterlenergie.org
negawatt.org
projet afterres